C’est quoi les pratiques somatiques?

Ce texte est un humble essai d’introduction sommaire aux pratiques somatiques, d’une manière personnelle. J’ai l’impression que le mot somatique est de plus en plus utilisé, parfois sans que l’on en perçoive l’ampleur ou la profondeur. Pour moi, offrir un peu de contexte, c’est aussi honorer celles et ceux qui nous ont laissé un héritage riche et inspirant.

Le mot soma et ses usages

Je commence par l’étymologie du mot soma, d’origine grecque, qui signifie corps.

Ce mot a plusieurs usages distincts. Par exemple, dans l’explication du système nerveux, on le divise en deux parties, autonome et somatique. Le système nerveux autonome régule les fonctions involontaires, tandis que le système somatique gère les fonctions volontaires.

On parle aussi de «psycho-somatique», quand on veut évoquer quelque chose qui se manifeste dans le corps à partir du psychisme.

La distinction entre soma et corps

Le philosophe Thomas Hanna développe sa pensée autour de la distinction entre les notions de soma et de corps. Il dit «pour les autres je suis un corps, pour moi je suis un soma».

Pour lui, le soma est le corps perçu et vécu de l’intérieur, en première personne, à partir de nos sensations propres. Le corps, selon lui, est perçu du point de vue de la troisième personne.

Il va encore plus loin dans sa pensée et explique que: « le soma qui est observé n’est pas seulement conscient de lui- même en s’auto-observant; il est aussi simultanément impliqué dans un processus de transformation de soi face au regard de son observateur. Nous ne pouvons pas ressentir sans agir, et nous ne pouvons pas agir sans ressentir. L’unité indissoluble est essentielle au processus somatique de l’autorégulation ; à tout moment, elle nous permet de savoir ce que nous faisons. »

Les pratiques somatiques

A partir de la fin du XIX siècle, se développent des approches comme le Feldenkrais, la technique Alexander, Body-Mind Centering, le Rolfing, l’Eutonie… (pour n’en citer que quelques-unes). C’est Thomas Hanna qui a mis en lumière les principes communs qui unissaient ces pratiques et a créé la notion de pratiques somatiques pour les englober dans les années 70. C’est aussi à cette époque-là, qu’il fonde le magazine Somatics, un lieu de rencontre pour les praticiens du corps et de l’esprit.

Ce qui rassemblait ces méthodes était une vision holistique du sujet : pas de séparation entre corps, pensée, affects, émotions,… Ces méthodes proposent des mouvements ou exercices à explorer en groupe, ou à travailler par le toucher en séances privées. Elles donnent une place centrale à l’expérience subjective via un travail approfondi sur la perception.

Tout en étant des méthodes différentes avec des points d’entrée différents dans le soma, voici quelques principes qu’on pourrait trouver dans un cours de pratiques somatiques :


* on y passe beaucoup de temps au sol, sans les contraintes liées au poids et à la gravité, on peut se détendre et faire baisser le tonus musculaire

* même avant de bouger, on prend le temps de sentir de l’intérieur, en première personne, notre corps et les sensations, les perceptions …

* on fait des mouvements, guidés par la parole, le toucher et parfois un peu de démonstration (mais pas trop, pour éviter l’imitation et permettre à chacun.e d’explorer depuis ses propres outils internes)

* après avoir bougé, on y revient souvent à la sensation, pour percevoir les effets de ce qu’on vient de faire

* la sensation est plus importante que la forme

* on découvre par expérimentation

* le chemin/processus est plus important que le but

* l’idée est «moins c’est plus », sans pousser à la performance ou à l’excès

* une grande autonomie de recherche, chacun reçoit « l’autorisation » et la responsabilité de se gérer soi-même

* on explore hors de la douleur.

Puissent ces mots t’offrir une porte d’entrée vers la compréhension des pratiques somatiques, et te donner envie de plonger toi-même dans l’expérience.


Par Matilde Cegarra

Formée en mouvement somatique dans l’approche Hanna Somatics, j’ai enrichi mon chemin d’exploration à travers le yoga, la danse, le Feldenkrais, le Body-Mind Centering et le Rolfing, entre autres. Professeure de yoga, je m’inscris dans une approche somatique. J’ai travaillé pendant neuf années dans le centre de documentation de Contredanse, qui contient une grande quantité d’ouvrages autour des pratiques somatiques.


Extraits de :

* Thomas Hanna, « Qu’est-ce que la somatique ? », Recherches en danse [En ligne], Traductions, mis en ligne le 16 juin 2017, consulté le 19 octobre 2019. URL : http://journals.openedition.org/danse/1232 ; DOI : 10.4000/danse.1232

* Sous la direction d’Isabelle Ginot « Penser les somatiques avec Feldenkrais : politiques et esthétiques d’une pratique corporelle » Edition l’Entretemps 2014

 

Carla Bottiglieri, paysage (inachevable) des pratiques somatiques, dessin réalisé pour le séminaire 1 « Le fond gestuel », La Manufacture, 2016, https://www.pourunatlasdesfigures.net/element/pratiques-somatiques

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